dimanche 1 juillet 2007

La tete et les jambes

Et non, ce titre ne fait pas référence à notre cher président Mr Sarkozy (joggeur le matin, président le reste de la journée, et le soir ?...), ou du moins indirectement. Il s’agit en réalité de son gouvernement, et plus exactement de celles sensées y représenter la « diversité » (plus ça va, plus les mots sont vagues pour parler des noirs et des arabes). On a quand même l’impression d’avoir assisté à une élection de « miss intégration » avec en lauréate Rachida Dati, en première dauphine Rama Yade, et dans le rôle de Mme de Fontenay Fadela Amara (sans couvre-chef). Prenez Mlle Yade, les commentateurs politiques rivalisent de politesse pour décrire ses nombreuses qualités au premier rang desquels figurent souvent sa beauté, sa jeunesse (cela signifie-t-il que dans 15 ans elle aura moins de talent car vieille ?) et enfin sa présumé (à tort ou à raison) compétence. Telles des miss de concours de beauté, on nous les présente comme des jeunes femmes belles (les goûts et les couleurs...), mais également intelligentes. Non ? Bah si, il parait. Elles ont donc la tête (bien faite) et les [jolies] jambes (symbole de leur beauté toute féminine). Je me suis permis d’utiliser et de détourner une expression courante dans le milieu sportif, qui, dans cette optique, convient parfaitement pour décrire (avec une once de malice) la nomination, et même la promotion de nos « trois mousquetaires de la diversité ». C’est peut être un peu cliché de toujours associer le sport aux noirs et aux maghrébins, mais faut dire que dans ce domaine, question diversité on est servi.
Pour rester dans la métaphore sportive je me fendrai d’un : « Et un ! Et deux ! Et trois zéros…. Mais y sont où, mais y sont où les socialistes... ». Tels les brésiliens de 1998, et pourtant donné comme l’ultra favori du match de la diversité, le PS prend une véritable leçon. En nommant Fadela Amara et Rama Yade secrétaires d’Etat, Nicolas « Aimé Jacquet » Sarkozy a fait fort en tout cas, en confrontant le parti socialiste à sa nullité et son hypocrisie dans ce domaine. Alors que la gauche a longtemps cru que le bon vieux Koffi tout juste suffisait, notre président fait dans la représentativité de la diversité. Voyons les recrues : une arabe, une kabyle, une peuhle … A ce rythme là les socialos seront bien obligés si jamais ils gagnent une élection présidentielle de mettre Harlem « les potes et les pierres qui vont avec»Désir ministre des affaires étrangères, Malek « putain mon parachute ne s’ouvre pas »Boutih, ministre des finances et j’en passe. En d’autres termes et à condition qu’il reste des noirs et des arabes au parti socialiste, il leur faudrait dépasser le « black-blanc-beur » sarkozyste en faisant un gouvernement « black-black-black » (tous droits réservés à Mr Finkelkraut).
Ah ! La « dream team » du gouvernement Fillon 2, elle « en jette » sur le papier. Mais à bien y regarder, la diversité prônée et telle que mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy n’en demeure pas moins alambiquée. D’abord dans la forme, toutes des femmes... (Faut-il une loi pour que l’on voie des hommes noirs et arabes entrer ou plutôt revenir au gouvernement) ? Trop peur des racailles ? Ou peut être que la « jurisprudence Azouz (un mouton dans la baignoire) Begag » l’impose ? Aucune de ces demoiselles ne risque d’avoir dans son casier vol de scooter, ou insubordination lors d’un contrôle au faciès, quoique l’une d’entre elles pourrait cacher un vol de rouge à lèvre chez Séphora... Toutes ces considérations mises à part, qu’en sera-t-il des faits et de leurs actes ? Est-ce que la nouvelle secrétaire d’Etat aux droits de l’homme indiquera à son mentor (flanqué de son cerbère de l’Identité Nationale) que le contrôle d’identité, est de fait contraire aux droits de l’homme, par l’imbécillité de son principe (reposant nécessairement sur des préjugés) et ne pouvant se faire qu’au faciès? Passera t-elle plutôt son temps à tomber à bras raccourcis sur les socialos, ou encore à lancer des initiatives bidons (Clooney fait déjà le glam’ humanitaire) sur le Darfour ? A part des commentaires désobligeants, le renforcement de la misogynie chez quelques imbéciles, et l’indifférence de beaucoup, qu’est ce que ces nominations vont concrètement changer dans la vie de leurs basanés semblables ? Pas forcément grand-chose.
Il semble même que contrairement à ce que voudrait nous faire croire les relais d’opinion (la presse la plus libre au monde), la manière de faire sarkozyste ne diffère aucunement de celle de « Tonton » dans les années 80 et celle de la gauche depuis lors.
Revenons à une question essentielle : Pourquoi des femmes ? Certains diront : « coup double » (parité/diversité), mais n’y a-t-il pas autre chose à voir ? A mon sens si, car dans l’esprit de la bien pensante bonne société blanche, elles sont des victimes par excellence ; victimes des croyances patriarcales de leurs pères, des violences verbales et physiques allant même jusqu’au meurtre, de leurs congénères masculins… En résumé, des opprimées. De fait, Rama Yade, Fadela Amara et Rachida Dati sont à l’UMP, ce que furent les « Beurs » (tartinés) et les « Potes » (‘‘o’’ n’est pas ‘‘u’’) au mitterrandisme. Des éternelles victimes qu’il faut relever, des éternels revanchards, révoltés qui ont forcément raison d’exprimer leur colère et frustration. On peut franchement s’interroger quand dans le gouvernement du parti le plus machiste de France (rappelons que c’est l’ancien RPR, « à nos femmes, à nos chevaux et, à ceux qui les montent ! » dixit Chirac) et sans doute le plus blanc, il y ait une aussi forte proportion de descendantes d’immigrés d’origine africaine. À moins qu’ils n’aient un ennemi commun… Cherchez l’homme …noir ou arabe. Lire « Reckless Eyeball » d’Ishmael Reed.
Sur le fond, c’est plus effrayant. On peut reconnaître aux dames susnommées bien des qualités en plus de leurs diplômes fièrement arborés. Mais eu égard à leur expériences passées, il y a de quoi frémir lorsqu’on voit les maroquins qui leurs sont attribuées. N’y a-t-il pas parmi les énarques diplômés au cours des trois dernières années ou au sein du corps diplomatique français, une personne nettement plus compétente que Mlle Yade pour le poste de secrétaire d’état aux affaires étrangères et des droits de l’homme ? Avec tous les problèmes d’urbanisme que connaît la France, faut-il confier ce département ministériel, ô combien crucial pour les années à venir, à la responsable d’une association médiatique donneuse de leçons dont l’une des préoccupations (hormis la promotion de sa personne) a surtout été de s’assurer que les jeunes filles de cités puissent se promener, string en l’air, sans se faire interpeller, agresser etc… Désolé pour les belles âmes, mais entre Mr Devedijan (un temps pressenti comme garde des sceaux), dont je ne partage pas la moindre parcelle d’idées mais qui a le mérite d’avoir une vision de la justice dans ce pays, et Mme Dati, à qui l’on impose un directeur de cabinet et qui à défaut d’avoir une vision ne sera qu’une exécutante de ce qui a été décidé en haut lieu (voir le nombre de fois qu’elle dit « Nicolas Sarkozy » dans ses interviews !!!!!), je choisis, sans plaisir, le maire d’Anthony.

Tout ça pour dire que le souhait des Noirs et des Arabes en France est dans la République du mérita d’être reconnus en fonction de leurs aptitudes, point. Pas en fonction de leur couleur, leur capacité à intégrer les cercles parisiens de la bien-pensance (voir NPNS). D’ailleurs, ironie de l’Histoire, les IIIe et IVe républiques et les débuts de la présente Ve, (pourtant toutes colonialistes et de fait ségrégationnistes) avaient octroyées des places, certes limitées, mais justifiée, aux éléments jugés méritants et compétents issus des colonies. On peut ainsi relever la carrière et l’action d’un Félix Eboué dans l’administration coloniale, qui lui valu notamment de voir ses cendres reposées au Panthéon (ce qui n’est pas donné à tout le monde). On peut également rappeler les charges ministérielles qu’occupèrent Félix Houphouët-Boigny ou Léopold Sédar Senghor avant les indépendances de leurs pays respectifs. Enfin on peut honorer l’admirable carrière d’un Gaston Monnerville, président du Sénat et de son ancêtre le conseil de la République pendant plus de vingt ans. Ce dernier, rappelons-le, d’abord député de sa Guyane natale, fut ensuite élu du Lot (!), président du conseil général du dit département et siégea notamment au conseil constitutionnel (rien que ça). Peut-on penser un seul instant, que de tels CV furent simplement dus à la discrimination positive ?
Même si je souhaite à Mesdames Dati, Yade et Amara des carrières aussi brillantes, leurs nominations semblent plutôt prendre les traits d’une manipulation, d’un coup de com. La droite sarkozyenne semble en effet penser que nommer une noire et deux arabes au gouvernement suffit à calmer tous les griefs et les attentes. Que nommer un noir au journal de 20h, ou accepter quelques basanés hors concours à Sciences-Po résoudra le problème... Et bien Non. En lieu et place d’égalité des chances, de l’école républicaine comme ascenseur social, on assiste à la promotion du piston comme moyen privilégié d’échapper à sa condition originelle. Pourquoi dans la réforme de l’éducation annoncée, ne pas se fixer comme ambition de faire des lycées des quartiers des établissements d’excellence ? Les lycées de Mantes la Jolie ou de Sarcelles recèlent de bons élèves qui préfèreraient que leurs notes parlent pour eux plutôt que des courriers adressés à Albin Chalandon ou à Simone Veil.
Ce que souhaitent les noirs et les arabes engagés dans la vie politique c’est aussi qu’on les juge en fonction de leurs convictions et de leur capacité à les mettre en œuvre (respect en ce sens à Mme Taubira). Ces derniers ne veulent plus être considérés comme des objets politiques non identifiés, ou comme des exceptions. Alors que nombre d’hommes et femmes, noirs et arabes ont, et de manière croissante, des situations socioprofessionnelles honnêtes et pour certains admirables, cessons de présenter tout noir ou arabe non délinquants ou non chômeur comme un miraculé. On dit d’eux qu’ils « s’en sont sortis », mais sortis de quoi ? De leur affreuse condition de nègre ou de « sous-hommes » (tous droits réservés à Mr Frêche) ? Ces nominations et les commentaires hagiographiques qui les accompagnent ne font que renforcer l’idée que l’attribution de tels postes tient de l’exceptionnel, et que le commun des mortels (non blancs) ne peut y prétendre. Ces nominations devraient illustrer la force des convictions de véritables militants politiques. Mais au final, observez l’image qui en ressort. Je doute franchement qu’on trouve de réelles convictions de droite chez Fadela Amara ou Rama Yade et même Rachida Dati qui ont toutes eu des flirts plus (Fatiha) ou moins (Rama) poussés avec le PS et les idées de gauche. Cela illustre plutôt de l’ambition à tout prix, l’adhésion à un homme plutôt qu’à des idées. « Se servir plutôt que servir » comme on raille méchamment au Cameroun…
Au delà du ravissement courtois et autres plaisirs que ces nominations me procurent (dont le bordel au sein de la gauche , LCR et PC compris), je n’y vois que des éléments négatifs. Plutôt que des français comme les autres, on nous sert des « phénomènes », « des destins » sans convictions si ce n’est leur ambition, une absence totale de vécu politique tant du point de vue des idées que de la pratique, des carriéristes pas des politiques, des exceptions somme toute, des alibis. Vous avez dit rupture ? Surtout, est-ce là l’exemple que l’on veut donner aux Mamadou, Antoine (qui peut être noir), Fanta et autre Samira en termes d’intégrité, morale publique et de convictions ? Quel recul dans les valeurs !

C’est pourquoi je préfère penser la diversité en me basant sur l’équipe de France de football en dépit des raccourcis que cela peut occasionner, plutôt que sur l’actuel gouvernement. Je parle ici en terme de valeur et de compétence, et ne sous-entends en rien que noirs et arabes doivent se cantonner au sport. En ce sens le symbole est plus fort. Thuram, Nasri, Sagnol sont sur le terrain parce qu’ils le méritent et sont au-dessus des autres du fait de leurs talents, de leurs performances, de leur discipline personnelle et pas parce qu’ils sont allés accoster Guy Roux dans je ne sais quel cocktail, ou Domenech dans je ne sais quelle officine... Peut- on en dire autant de nos trois mousquetaires ? Je crains que non.
À votre avis qui de Thuram et de Fadela Amara, représente le plus la République du mérite de Jules Ferry et autres ?